Nekhlioudov s'interroge et lit les Evangiles. En lisant la scène où Jésus indique à Pierre de pardonner "septante fois sept fois", le sens profond du pardon lui apparaît. (Troisième partie, chapitre XXVIII)
Il voyait désormais clairement que les maux effroyables dont il avait été le témoin dans les prisons et les maisons de force ainsi que la tranquille assurance de ceux qui en étaient responsables, provenaient seulement de ce que les hommes voulaient entreprendre l'impossible : quand on est mauvais, peut-on corriger le mal ? Des êtres vicieux voulaient corriger d'autres êtres vicieux et s'imaginaient y parvenir par les châtiments corporels. Il en résultait que des êtres cupides et besogneux faisaient profession d'appliquer ces châtiments, ces redressements prétendus tels, s'y étaient pervertis eux-mêmes au dernier degré et ne cessaient de pervertir ceux qu'ils faisaient souffrir. Maintenant il avait une claire vision de toutes les horreurs qu'il avait observées et de ce qu'il fallait faire pour les supprimer. La réponse qu'il n'arrivait pas à trouver était celle-là même que le Christ avait faite à Pierre : il faut pardonner toujours et à tous, pardonner un nombre incalculable de fois, parce qu'il n'y a pas d'homme qui ne soit pas coupable et, pour cette raison, inapte à punir ou à corriger.
jeudi 4 décembre 2008
Extrait : Résurrection (Tolstoï), conception de la vie
Première Partie, chapitre XLIV
Etonné, il le fut surtout de voir la Maslova, loin d'être honteuse de son état - non pas l'état de détenue (de cela elle avait honte), mais l'état de prostituée - en être satisfaite et presque fière. Et cependant, il ne pouvait en être autrement. Chacun de nous, pour agir, doit considérer son activité comme utile et importante. Aussi, quelle que soit la situation d'un homme, il se fera de la vie sociale une conception qui permette d'envisager sa propre activité comme importante et utile.
On s'imagine à tort que les voleurs, les assassins, les espions, les prostituées, jugent défavorablement leur profession et en éprouvent de la honte. Il n'en est rien. Les hommes que leur destin et leurs fautes placent dans une situation déterminée, si répréhensible soit-elle, se bâtissent une conception générale de la vie où leur situation particulière apparaît éminemment utile et respectable. Dans le but de soutenir leur point de vue, ces gens s'appuient instinctivement sur un milieu qui admet leur conception de la vie en général et leur place dans cette vie en particulier. Cela nous étonne de voir des voleurs s'enorgueillir de leur adresse, des prostituées de leur corruption, des assassins de leur cruauté. Mais nous ne sommes pas étonnés que pour autant que le milieu de ces gens est limité, et surtout parce que nous n'en faisons pas partie. Et cependant le phénomène n'est-il pas le même avec les riches s'enorgueillissant de leurs richesses, c'est-à-dire de leurs rapines, avec les chefs de guerre s'enorgueillissant de leur victoires, c'est-à-dire de leurs assassinats, avec les puissants s'enorgueillissant de leur puissance, c'est-à-dire de leur tyrannie ?
Si nous ne remarquons pas que ces gens, en vue de justifier leur situation, ont de la vie, du bien et du mal, une conception corrompue, c'est seulement parce que le cercle des gens qui ont adopté ces conceptions perverses est plus étendu et que nous-mêmes en faisons partie.
Etonné, il le fut surtout de voir la Maslova, loin d'être honteuse de son état - non pas l'état de détenue (de cela elle avait honte), mais l'état de prostituée - en être satisfaite et presque fière. Et cependant, il ne pouvait en être autrement. Chacun de nous, pour agir, doit considérer son activité comme utile et importante. Aussi, quelle que soit la situation d'un homme, il se fera de la vie sociale une conception qui permette d'envisager sa propre activité comme importante et utile.
On s'imagine à tort que les voleurs, les assassins, les espions, les prostituées, jugent défavorablement leur profession et en éprouvent de la honte. Il n'en est rien. Les hommes que leur destin et leurs fautes placent dans une situation déterminée, si répréhensible soit-elle, se bâtissent une conception générale de la vie où leur situation particulière apparaît éminemment utile et respectable. Dans le but de soutenir leur point de vue, ces gens s'appuient instinctivement sur un milieu qui admet leur conception de la vie en général et leur place dans cette vie en particulier. Cela nous étonne de voir des voleurs s'enorgueillir de leur adresse, des prostituées de leur corruption, des assassins de leur cruauté. Mais nous ne sommes pas étonnés que pour autant que le milieu de ces gens est limité, et surtout parce que nous n'en faisons pas partie. Et cependant le phénomène n'est-il pas le même avec les riches s'enorgueillissant de leurs richesses, c'est-à-dire de leurs rapines, avec les chefs de guerre s'enorgueillissant de leur victoires, c'est-à-dire de leurs assassinats, avec les puissants s'enorgueillissant de leur puissance, c'est-à-dire de leur tyrannie ?
Si nous ne remarquons pas que ces gens, en vue de justifier leur situation, ont de la vie, du bien et du mal, une conception corrompue, c'est seulement parce que le cercle des gens qui ont adopté ces conceptions perverses est plus étendu et que nous-mêmes en faisons partie.
Extrait : Résurrection (Tolstoï), le substitut
Je me suis attelé à un résumé de Résurrection, mais je peine à trouver le temps de l'achever, j'opte donc pour la solution de facilité : les extraits. Dans la phrase suivant, un rapide portrait du substitut... (Première partie, début du chapitre XXI)
Stupide de nature, il avait eu le malheur de sortir du collège avec une médaille d'or, puis d'obtenir à l'université un prix pour sa thèse sur les Servitudes en droit romain, aussi avait-il un aplomb extraordinaire et une confiance en soi illimitée, et comme à tout cela s'ajoutait quelques succès auprès des femmes, sa bêtise était devenue infinie.
Stupide de nature, il avait eu le malheur de sortir du collège avec une médaille d'or, puis d'obtenir à l'université un prix pour sa thèse sur les Servitudes en droit romain, aussi avait-il un aplomb extraordinaire et une confiance en soi illimitée, et comme à tout cela s'ajoutait quelques succès auprès des femmes, sa bêtise était devenue infinie.
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